Lors de l’inauguration de WIKIVILLAGE, un tiers-lieu innovant situé dans le 20ème arrondissement de Paris, une table ronde a réuni les différent∙es acteur∙rices de ce projet pour présenter leur démarche en matière d’immobilier durable.
Cet ensemble de bureaux de 7500 m² illustre comment l’innovation architecturale peut répondre aux défis environnementaux actuels tout en créant des espaces de travail éco-responsables et fonctionnels.
Porté par ETIC et s’inscrivant parfaitement dans cette vision, WIKIVILLAGE se présente comme un projet phare mêlant innovation architecturale et développement durable, et offre ainsi un exemple inspirant de transformation urbaine.

Une mixité à tous les niveaux
Toma Dryjski, architecte associé chez DVVD, a expliqué comment le projet se structure autour d’une triple dimension de mixité.
D’une part, la mixité programmatique s’illustre avec près de 2000 m² d’espaces verts – dont 1300 m² aménagés sur le toit – intégrés au dispositif architectural. Ensuite, la mixité fonctionnelle se manifeste par l’intégration de commerces et services dans un quartier parmi les plus denses d’Europe (800 habitant∙es par hectare). Enfin, la mixité des matériaux se traduit par l’utilisation du bois, complété par d’autres composants pour optimiser les performances thermiques et acoustiques.
Le projet a été pensé pour favoriser les interactions, avec des « Coop-spaces » en double hauteur, offrant des lieux de rencontre innovants dans un contexte d’immobilier tertiaire. Il affirme :
« En fait, on a une communication du rez-de-chaussée jusqu’au dernier étage, visuelle et physique, ce qui permet d’avoir des lieux de rencontre et d’échange particuliers. Les résident∙es pourront vous dire comment essayer de se les approprier, car c’est un espace un peu nouveau dans l’immobilier de bureau et dans les espaces de travail. »

Le bois comme matériau principal, mais pas unique
Ainsi, Morgane Scoarnec, directrice générale adjointe de REI Habitat, rappelle l’engagement de son entreprise, promoteur écologique existant depuis 2009, dans la démocratisation des projets en structure bois. Certifié « bâtiment bois français » et composé d’environ 80% de bois d’origine locale, le projet intègre également une combinaison judicieuse de bois et de béton.
« Pour moi, le sujet de la résilience et de la sobriété, c’est vraiment un passage à l’échelle. On n’est pas sur un projet anecdotique, mais sur un vrai bâtiment qui devient un lieu de vie pour l’ensemble du quartier, avec beaucoup de résident∙es de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS) et de l’écosystème du bâtiment durable. C’est une grande fierté d’avoir mené cette histoire jusqu’au bout. »
Cependant, les intervenant∙es ont insistés sur le fait qu’une approche plus nuancée était nécessaire.
En travaillant avec le bureau d’études Etamine, ils ont constaté que pour gérer efficacement la chaleur générée par les résident∙es et les équipements, une combinaison bois-béton était plus pertinente qu’une structure intégralement en bois.
Elle offre ainsi des qualités acoustiques et thermiques essentielles, tout en réduisant de 50% la charge sur les fondations.
Morgane Scoarec finit en répondant à la question de Camille Mauboussin « qu’est-ce que l’immobilier durable et quelle est la solution pour construire aujourd’hui et répondre aux enjeux environnementaux ? » :
« Outre le bois, toute la réflexion s’est aussi portée, avec Etamine, sur le fait de ne pas considérer un seul matériau comme la réponse unique à cette question. C’est donc une mixité de matériaux et de procédés qui ont été mis en œuvre dans WIKIVILLAGE, ainsi que toute une réflexion sur la conception des espaces. »

Des solutions passives pour un confort thermique sans climatisation
L’une des particularités de WIKIVILLAGE est l’absence de climatisation, remplacée par une série de solutions passives élaborées avec Etamine, bureau d’études et de conseils en performance environnementale. Parmi elles : des brise-soleils en bois fixe sur les façades ensoleillées, des fenêtres ouvrables (contrairement aux immeubles de bureaux standards), des brasseurs d’air dans tous les bureaux, et l’utilisation de l’inertie thermique des planchers en béton.
Pour les épisodes de chaleur extrême, une pompe à chaleur réversible a été installée. La végétalisation joue également un rôle crucial pour ce bâtiment parisien.
Gaia Alliney, cheffe de projet et associée chez Étamine, témoigne :
« Nous avons conçu un bâtiment qui s’intègre harmonieusement dans son environnement, avec une toiture végétalisée, des façades plantées et une cour arborée. Ces éléments favorisent la biodiversité et réduisent les îlots de chaleur urbains. J’ajoute que nous occupons les bureaux au troisième étage et que tous ces principes, nous les avons adoptés aussi pour nos propres bureaux, en utilisant du réemploi, des matériaux français et des brasseurs d’air. »
Réemploi et économie circulaire
Antoine Leroy-Boulla, directeur de Remake, la filiale réemploi de REI Habitat, a présenté la démarche de récupération et de réutilisation de matériaux. Sur ce projet, plus de 30 tonnes de dalles gravillonnées ont été réemployées pour les terrasses (équivalent à 7 tonnes de CO² économisées), 1,5 m³ de bois ont été réutilisés pour les tisaneries et la claustra du hall d’accueil, et 270 m² de bardage ont été sauvés de la destruction pour habiller les édicules en terrasse.
Il a souligné l’importance d’une approche pragmatique du réemploi :
« Il ne faut pas réemployer forcément pour réemployer. »
L’impact carbone peut être relativement modeste, mais la valeur pédagogique et l’histoire racontée par ces matériaux contribuent à sensibiliser l’ensemble des acteur∙rices du bâtiment aux enjeux environnementaux.

Innovation sanitaire : des urinoirs innovants pour économiser l’eau
Une innovation particulièrement remarquable est l’installation d’urinoirs à récupération d’urine conçus par madamePee, faisant de WIKIVILLAGE le premier immeuble équipé à cette échelle.
Nathalie des Isnards, fondatrice de l’entreprise, a expliqué que ce système permet non seulement d’économiser les six litres d’eau potable habituellement utilisés à chaque utilisation, mais aussi de récupérer l’urine pour la transformer en bio-stimulants agricoles.
« La décision a effectivement été prise de maximiser l’économie d’eau. Cela veut dire installer des urinoirs féminins, mais également des urinoirs masculins qui ne consomment pas d’eau et qui peuvent récupérer l’urine pour en faire des bio stimulants qui servant à l’engrais agricole. »
Cette approche vertueuse répond à plusieurs problématiques : l’économie d’eau, la réduction de la pression sur les stations d’épuration urbaines souvent sursaturées, et la production d’engrais naturels en remplacement des produits chimiques.
Un projet collectif porteur de sens
En conclusion, Camille Mauboussin d’ETIC – Foncièrement Responsable, foncière immobilière solidaire ayant porté ce projet, a souligné que malgré l’apparente simplicité du bâtiment (sol brut, absence de climatisation…), WIKIVILLAGE dévoile en réalité une conception sophistiquée qui conjugue innovation technique et engagement écologique.
Elle a insisté sur la dimension collective de cette aventure, qui a rassemblé promoteur∙rices, architectes, bureaux d’études et entreprises autour d’une vision commune de l’immobilier durable.
Dans un contexte où le secteur du bâtiment est responsable de près de 25% des émissions de gaz à effet de serre en France, des réalisations comme WIKIVILLAGE ouvrent la voie à une transformation nécessaire des pratiques de construction et d’aménagement urbain.